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Au-delà de Polichinelle, ces remarques m’ont inspiré un certain nombre de réflexions sur le rôle des bras dans les danses de caractères :

 

La position des mains sur les hanches est sans doute héritée de celle des bras arrondis (en bas et en avant) dans le Quadrille du premier Empire. Mais, dans le Quadrille, cette tenue des bras prépare aux “chaînes“ (anglaise, des dames), aux “tours de mains“, aux “balancés quatre en ligne“, à la “demi-queue du chat“, etc. La Société de Farandoles Les Joyeux Mineurs de La Grand-Combe (Gard) avait gardé partiellement des mouvements de bras de la même famille, mais qui tous se terminaient mains aux hanches.

 

Mettre les mains (ou les poings !) sur les hanches me semblerait relever de la réappropriation des pas du Quadrille et des danses de caractères dans le cadre d’une gymnastique. Le danseur devient (d’une certaine manière) gymnaste. Et c’est bien ce qui était la fonction des danses de caractères à l’armée.

 

Ceci n’est qu’une hypothèse qui reste à creuser : en Ecosse les Highland Dances (dont les pas et le style sont très proches de ceux des danses de caractères) se pratiquent également mains aux hanches, avec (il est vrai) un bras (ou deux) souvent en l’air (souvenir des claquements de doigts ?). Serait-ce, là aussi, une influence militaire ?

 

De même Durang, dans son autoportrait du sailor’s hornpipe, a une main à la hanche (position militaire liée à la Navy ?).

 

Pour Chantal David, si un bras mime, l’autre doit faire le pendant. Il n’est pas pensable que cet autre bras reste figé, coincé sur la hanche.

 

Cette perte du mouvement des bras lors de l’adoption des danses de caractères par l’armée expliquerait bien l’ennui que peuvent ressentir certains publics devant la représentation de plusieurs danses de caractères à la suite, s’il n’est pas mis l’accent sur leur aspect d’exploit sportif (témoignage de Jacques Longuet, maître de danse gardois, expérience personnelle). La plupart des spectateurs regardent en priorité la tête et le haut du corps des danseurs et, quand ces parties du corps sont figées, il n’y a rien à voir ! Si les farandoles ont connu un tel succès dans le Gard, c’est sans doute, au-delà d’une hypothétique image identitaire, à cause de la vigueur des mouvements des bras associés à l’énergie de la danse.

 

Plus largement cette réflexion permet d’enrichir les conclusions de ma thèse sur les Sociétés Chorégraphiques dans l’Ouest, ainsi que celles de la thèse de Francine Lancelot sur les Sociétés de Farandoles dans le Gard :

 

On peut donc penser que les danses de caractères “gymniques“ (militaires) avaient tout à fait leur place associées à la boxe française, au bâton, à la canne ou à l’escrime dans le cadre d’Assauts de Danse, Boxe, Canne et Chausson. Cela fut le cas dans le village semi industriel de Jupilles (Sarthe) au cours des années 1870, au Mans avec Joseph Sthorez (maître de danse cabaretier), ainsi qu’à Chantenay, banlieue ouvrière de Nantes, à la fin du XIXe siècle.

 

Ces danses de caractères “gymniques“ apportaient alors un aspect artistique (danse) et musical à ces Assauts sportifs. Les anciens militaires avaient eu le temps, au cours de leur service, d’apprendre à la fois les danses de caractères et les arts martiaux. Mais, dans le civil, cela devenait sans doute un trop gros investissement en temps et en énergie.

 

Dans l’Ouest de la France, les danses de caractères sont ensuite devenues des danses de patronage avec les Sociétés Chorégraphiques, où de gentils enfants costumés les présentaient à l’issue d’un bal d’enfants.

 

Dans le Gard, le phénomène farandole a évité cet écueil dans un premier temps, grâce aux Concours de Farandoles qui se déroulaient à l’occasion des Fêtes Votives. L’accent était alors mis sur l’exploit, la compétition et seulement une ou deux autres danses de caractères accompagnaient ces concours.

 

Puis les Sociétés de Farandoles sont devenues des groupes folkloriques et se sont féminisées. D’où perte de vigueur et de rigueur et besoin de créer un standard “fédéral“ pour préserver une certaine qualité technique.

 

Seul, ou presque, le maître de danse gardois Fernand Bousquet a su retrouver intuitivement cet esprit des danses “comiques“ et “grotesques“ du Théâtre de la Foire à travers ses créations. En effet, ses chorégraphies de La Cosaque, de La Matelotte, de La Paysanne et de La Chinoise comportent toutes de nombreux gestes mimés où le corps est mis en action dans sa totalité. De même, il n’hésite pas à utiliser des accessoires, tambourin ou épée. Enfin, ses danses sont toujours des exploits sportifs, parfois acrobatiques, qu’il exécutait encore brillamment à plus de 80 ans ! À deux cents ans de distance, on retrouve chez Bousquet le même esprit, la même énergie que chez John Durang, danseur “comique“ américain de la fin du XVIIIe siècle.

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REFLEXIONS SUSCITEES PAR LA RENCONTRE

 

AUTOUR D’ARLEQUIN

 

Yves Guillard

Polichinelle et les Chaconnes d’Arlequin

 

Au-delà de la comparaison des mimiques, la similitude d’un grand nombre de pas se dégage de cette approche conjointe des Chaconnes d’Arlequin et des chorégraphies de Polichinelle. Nous découvrons enfin cette filiation partielle entre danse baroque et danses de caractères que nous avions cherchés, en vain, au cours de trois stages à Sablé consacrés à la danse noble. Pourtant, à chaque fois qu’elle nous voyait exécuter les pas d’été, Francine disait : On retrouve beaucoup de ces pas en baroque !“. Voici enfin un mystère d’élucidé. C’est une piste prometteuse à creuser.

 

Pour une meilleure approche de cette étude comparative des pas et de chorégraphies, il serait utile de “traduire“ les Chaconnes d’Arlequin depuis l’écriture Feuillet en langage courant (style Rameau). Cela devrait être assez facile avec l’enregistrement vidéo de ces deux jours, à condition qu’Édith et Yvan puissent nous fournir le nom des pas dans l’ordre du déroulement de chaque danse.

 

 

Les danses de caractères et la classification signalée par Lambranzi

 

D’après l’exposé de Marie-Thérèse Mourey, Lambranzi distinguerait trois types de danses : la danse noble , la danse comique (danse de personnages) et la danse grotesque (danse de paysans ou se rapportant aux personnages de la commedia dell’arte). Ce dernier type de danse serait exécuté plus près du sol (c.f. la planche n°4 représentant une danse de paysan).

 

J’en déduis que les danses de caractères du répertoire sud sarthois que j’ai étudié pourraient être classées dans deux de ces catégories :

 

- Les danses grotesques : la Polichinelle (personnage de commedia dell’arte) et la Paysanne (paysan). En plus des personnages qu’elles représentent, c’est seulement dans ces deux danses que l’on trouve des positions cassées du corps associées aux mouvements mimés.

 

- Les danses comiques : c’est tout le reste du répertoire. Même si des gestes des bras sont parfois utilisés (en relation avec le personnage ou la scène) et, même si on utilise fréquemment des piqués du talon ou des piqués “en dedans“, le corps reste toujours bien droit et en hauteur.

 

 

Les danses de caractères et la commedia dell’arte

Chantal David, praticienne de la commedia dell’arte, était très choquée de la position des mains sur les hanches de Polichinelle, alors que ce personnage devrait avoir des bras vivants, expressifs. Elle était de même choquée par l’étroitesse des “moulinets“ : Polichinelle avait de grandes manches et aurait dû faire de grands “moulinets“ de bras en l’air.